Bureau, la Nuit de Edward HOPPER

Edward Hopper est un peintre américain. Il est né le 22 juillet 1882 à Nyack, un village situé dans l’État de New York. En 1900, il s’inscrit à la prestigieuse New York School of Art. Afin de se perfectionner, Edward Hopper effectue plusieurs séjours en Europe. Il se rend dans plusieurs grandes villes, telles que Paris, Berlin, Londres, Amsterdam, Bruxelles… Ses voyages sont l’occasion de se confronter aux œuvres des grands maîtres. Épris de la capitale française, Edward Hopper partage ses expériences parisiennes dans ses œuvres de jeunesse.
 
En 1908, il installe son atelier à New York. Il gagne sa vie en travaillant comme illustrateur et dessinateur publicitaire. L’année 1924 est une année charnière : Edward Hopper prend la décision de rompre avec sa nostalgie française. À partir de ce moment, il devient le chroniqueur de la vie de ses contemporains américains. 
 
Si, Edward Hopper s’est essayé à peindre des paysages, il se concentre désormais sur des scènes d’intérieur qui évoquent le silence et la solitude, comme « Nighthawks » (1942). Ses huiles sur toiles sont le reflet d’un pays en pleine mutation économique et sociale. « The House by the Railroad » (« La Maison au bord de la voie ferrée ») est une oeuvre maîtresse. En 1930, elle entre dans les collections du Museum of Modern Art de New York. La même année, « Early Sunday Morning » (« Tôt un dimanche matin ») entre dans les collections du Whitney Museum of American Art. En 1933, le Museum of Modern Art de New York organise la première rétrospective de l’artiste.
 
En 1945, Edward Hopper est élu membre du National Institute of Arts and Letters. En 1954, il est invité à la Biennale de Venise. Edward Hopper est nommé « Doctor of Fine Arts » de l’Art Institute of Chicago, en 1955. Au cours de sa carrière, il recevra de nombreux titres honorifiques. 
 
Le 15 mai 1967, Hopper décède dans son atelier à New York.
 
 
Bureau, la Nuit
 
 
 
 
Huile sur toile 56,4 x 63,8 cm – 1940 – 
 
 
Edward Hopper a été victime de son succès et son nom évoque d’emblée des posters décorant des chambres d’étudiant ou des jaquettes de livres. Cela est injuste et s’explique en partie par le fait que ses oeuvres ne nous sont généralement connues que par des reproductions. En effet, conservés essentiellement dans des collections d’outre-atlantique (en Europe seul le Museo Thyssen-Bornemisza en possède une oeuvre importante), nous n’avons eu qu’assez rarement l’occasion d’appréhender dans leur réalité matérielle les tableaux de cet artiste à la fois populaire te sous-estimé, voire méprisé. 
 
Oeuvres qui ne cessent de fasciner pour des raisons souvent contradictoires faisant aussi de lui l’encombrant père putatif du minimalisme, mais dans un sens littéraire plutôt que pictural. 
 
C’est le paradoxe d’Edward Hopper que de séduire alors qu’il a conçu une oeuvre à l’écart de tout désir de séduction. chez lui, l’intimité se métamorphose en intemporalité sous la forme d’un compte rendu désarmant de la réalité, à la fois abstraite et enracinée dans la plus banale quotidienneté, qui, ainsi qu’il le déclara, constitue « la transcription la plus exacte possible de (ses) impressions les plus intimes de la nature ».
 
Que voyons-nous ici ? 
 
Une pièce sans luxe qui ressemble à une grande boite, dont la porte n’a pas été refermée, un homme d’âge moyen assis à son bureau, lisant un document, et une femme aux cheveux ramenés en chignon, devant un meuble classeur, dont un tiroir est à moitié ouvert, qui tourne la tête vers l’homme mais regarde en fait vers le sol, où une feuille est tombée. Dans l’angle gauche, un autre bureau, sur lequel est une machine à écrire : la femme est probablement la secrétaire de cet homme au strict complet gris. 
 
Dans ce cas, pourquoi n’a-t-elle pas refermé la porte après être entrée ? 
Mais c’est peut-être lui qui vient d’arriver …
 
Ce spectacle banal nous est montré en une plongée très accentuée, tel que vu depuis un métro aérien, comme il y en a tant à New York.
 
La lumière arrive par la rue, sur laquelle ouvre la fenêtre au store à demi baissé, et dessine une zone plus claire sur le mur de couleur crème. A la réflexion, cet homme et cette femme sont habillés comme s’ils sortaient d’un dîner en ville ou d’un spectacle ; surtout elle, dans sa robe fort moulante laissant voir le genou, et excessivement maquillée, avec du fard bleu aux paupières et un rouge à lèvre rouge sanglant.
 
Il ne se passe rien, et pourtant, sans qu’on sache l’expliquer, on ressent quelque chose de dramatique dans cette atmosphère : ces deux personnages ont-ils pénétré dans ce bureau de nuit afin d’y dérober un document ?
 

Cela expliquerait la porte laissée ouverte pour leur permettre d’entendre d’éventuels bruits de pas dans le couloir. La thèse n’est pas absurde : la femme fouille dans les classeurs et l’homme lit un à un des documents qu’il repose sur le côté du bureau car ce ne sont pas ceux qui l’intéressent. un minuscule détail légitimerait cette interprétation : dans le coin inférieur gauche, sur le bureau parfaitement rangé comme après une journée de travail, il n’y a pas de papier glissé dans la machine à écrire, ce qui nous dit que la secrétaire, si c’est bien une secrétaire, ne s’apprête pas, à cette heure tardive, à prendre une lettre en dictée. En effet, on a l’impression que Hopper, contrôlant strictement la composition de son tableau, veut nous dire quelque chose en nous fournissant le moins d’éléments d’information possible.

Est-ce pour laisser largement ouvert le champ des interprétations ? 

 
En tout cas, nous n’avons aucun doute : cette scène est plausible, et pourtant nous ne savons pas ce qu’elle représente au-delà des apparences. Un peu comme dans un film noir américain des années 1930, où les personnages, réduits à des silhouettes, semblent flotter dans des décors plutôt glauques. Rapprochement d’autant plus pertinent que la scène nous est présentée avec trois sources de lumière, comme au théâtre ou au cinéma : à l’époque où ce tableau fut peint, c’est souvent dans d’anciens théâtres que les films étaient projetés, avec des attractions sur scène pendant l’entracte.
 
Mais, quant à en découvrir le sens, c’est une autre affaire ! Misère de la vie de bureau ? Ambiguïté des relations entre un patron et son employée sur fond d’aliénation sexuelle ? Monde sourd à la catastrophe qui vient de s’abattre de l’autre côté de l’Atlantique ? Désolation de la vie quotidienne, où chacun joue un rôle de pure fiction dans ce qu’Arthur Miller appelait le « cauchemar climatisé » américain ? 
 
S’il y a fort à parier que nous ne trouverons pas la clef de l’énigme dans ce bureau, nous pourrons nous consoler en lisant dans un carnet cette annotation de Hopper à propos de ce tableau : « j’espère que cela n’évoquera aucun fait précis, car il n’y en a pas. »
 
Cette mécanique à la précision d’horloge ne produirait donc aucun sens ? 
 
Oui, c’est peut-être cela son message, pour autant qu’il importe de le débusquer. Comme au cinéma, lorsque des images naissent de réalités successives, qui disparaissent lorsque des images naissent de réalités successives, qui disparaissent lorsque se rallument les lumières de la salle et que l’on revient à la réalité.

 

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