Nature Morte au Compotier de Paul CEZANNE

PAUL CÉZANNE – Peintre français, Paul Cézanne est un peintre novateur. Ayant un temps fait partie du mouvement impressionniste, son œuvre a lancé le cubisme. Il est considéré comme le père de l’art moderne.
 
Paul Cézanne naît le 19 janvier 1839 à Aix-en-Provence, dans une famille très aisée. Au collège, il fait la rencontre d’Émile Zola, avec qui il se lie d’amitié. Le jeune Paul commence à prendre des cours de dessin au lycée. Diplômé d’un baccalauréat ès lettres, il poursuit ensuite des études de droit, à la demande de son père. Mais il abandonne bien vite une carrière juridique qui ne le passionne pas. Il part alors étudier en 1860 la peinture à Paris, grâce à la pension que lui versent ses parents. Refusé aux Beaux Arts, il rentre à Aix, puis retente sa chance sur la capitale dès 1862. Il étudie alors à l’Académie Suisse, où il rencontre d’autres peintres comme Claude Monet, et Auguste Renoir
 
Cézanne passe beaucoup de temps au Louvre où il copie avec un grand intérêt les œuvres de DelacroixCourbetRubens ou encore Velázquez. C’est désormais certain : Paul Cézanne veut et va devenir peintre. 
 
Ayant trouvé sa vocation, Paul Cézanne peint alors ses premières toiles dans lesquelles transparaissent une inspiration romantique et un goût pour les allégories (Le meurtre, 1868). Il s’essaie également au réalisme, au travers de natures mortes. Il propose à plusieurs reprises ses tableaux au Salon de Paris, mais se voit opposer des refus. 
 
Après avoir vécu entre Paris et Aix-en-Provence, Cézanne s’installe en 1872 dans la maison du docteur Gachet, à Auvers-sur-Oise
 
Aidé de son ami Camille Pissarro, il y développe sa technique et compose ses premières peintures impressionnistes (la Maison du pendu, 1873). Il s’attache alors à saisir la fugacité de scènes rurales, par petites touches de couleur, et travaille en extérieur. 
 
À la demande de Pissarro, il participe à la première exposition impressionniste, organisée par Nadar, en 1874. Il y présente trois toiles (Une moderne Olympia, La Maison du pendu et Étude, paysage d’Auvers) qui scandalisent les visiteurs. Peiné par cette incompréhension du public, Cézanne choisit de rompre avec le milieu impressionniste parisien et repart pour sa Provence natale.
 
Paul Cézanne se coupe de son camarade Pissarro et met un terme à son amitié avec Zola après la parution en 1886 de son roman l’Oeuvre. 
 
Bien que s’étant marié en 1886 avec Hortense Fiquet, avec qui il a eu un fils en 1872, il vit essentiellement en solitaire, l’héritage laissé par son père le mettant à l’abri du besoin. L’artiste se consacre alors à son art et peint entre 1880 et 1890 plusieurs centaines de tableaux, dont plus de 80 représentations de la Montagne Sainte-Victoire, parmi lesquelles le tableau Château Noir (1904). 
 
Il s’éloigne de la technique impressionniste par sa recherche de synthèse des formes. posant sur sa toile des touches de peinture dont Il essaie d’en capter l’essence et laisse apparaître leur trame géométrique.
 
Suite à ses échecs antérieurs, Paul Cézanne expose peu. Cependant, en 1895, le marchand d’art Ambroise Vollard organise une exposition qui lui est consacrée, rassemblant 150 de ses œuvres, dont la toile Les Joueurs de cartes. 
 
Cézanne, bien que peu populaire auprès du public, voit cette rétrospective rencontrer un grand succès parmi les acteurs du milieu : artistes et critiques. Dès lors, de nombreux salons exposent les tableaux du peintre et sa réputation ne cesse de s’accroître. 
 
Cézanne devient alors une source d’inspiration pour les jeunes artistes, dont plusieurs se rendent à Aix-en-Provence pour le voir travailler. 
 
Cézanne décède à 67 ans le 22 octobre 1906 à son domicile, des suites d’une pneumonie, après avoir enfin accédé à la reconnaissance publique.
 
 
Nature Morte au Compotier 
 
 
Huile sur toile 46,4 x 54,6 – 1879 –
 
 
 
Le nom de Cézanne est d’emblée associé à l’impressionnisme, alors qu’il se voulait un artiste classique. 
 
A ses débuts, alors qu’il n’est encore qu’un peintre à temps partiel, il souhaite « faire du Poussin sur nature », « quelque chose de solide comme l’art des musées ». Ses modèles sont plutôt du côté de Zurbaran ou de Ribera, voire de Delacroix ou de Courbet, lorsque ce n’est pas de Granet, son compatriote provençal, que de celui de ses contemporains qu’il apprécie et fréquente sans pour autant partager toutes leurs préoccupations, car la sienne, c’est d’échapper au dessin ligne pour créer des formes et de tout miser sur la couleur en s’en remettant à la nature, qui peut s’incarner dans des pommes comme dans un corps ou un paysage. 
 
Si peu d’artistes de son temps ont fait l’objet d’autant de publications, Cézanne garde sa part de mystère, qui ne doit pas qu’à son intransigeance et à sa solitude : lorsqu’on pense l’avoir saisi tandis qu’il se développe un thème, il est déjà ailleurs et si l’on tente de le suivre vers cet ailleurs, il est revenu là où on l’avait quitté.
 
Toujours un temps de retard ou un écart, toujours cette impossibilité de comprendre ses intentions, ce qui est d’autant plus troublant que ce que nous voyons relève de l’évidence et en même temps se dérobe car, ainsi que l’écrivit Thadée Natanson : «  Si peu achevée que paraisse l’oeuvre, c’est l’idée d’un absolu bouleversement de l’art de peindre qu’elle apporte. »
 
Observer une oeuvre de Cézanne – dont on a dit et ressassé qu’il était « un peintre pour les peintres » lesquels, en effet, furent longtemps les seuls à prendre sa défense et à acheter ses tableaux car ils y avaient détecté « la peinture pour elle-même » – nécessite de tout oublier. 
 
Ainsi, dans cette nature morte, tentons d’oublier tout ce que nous avons pu voir d’approchant, au moins par le sujet, car la question technique ne se pose pas, quitte à y revenir ensuite pour confirmation : un verre, un compotier, des fruits. Aucun doute. Pourtant, nous avons l’impression qu’autre chose est présent, ou absent, qui fait que cette nature morte est radicalement différente de ce que nous avions vu jusqu’à présent en ce domaine, et d’abord que la nature morte n’est pas pour lui un genre mineur mais, mais concentre toutes les questions de son art.
 
En effet, comme dans une peinture d’histoire signée par un grand maître classique, tout se répond avec précision, chaque volume trouve un écho dans un autre volume et chaque couleur dans une autre couleur, qu’elle module et dont elle justifie le choix.
 
Nous découvrirons alors que derrière l’anodin se dissimule la construction d’un nouveau modèle d’harmonie, fait de touches de couleur, qui prisent séparément, ne disent rien, mais, réunies, représentent à la fois le sujet et témoignent de cette expérience. C’est à cet instant que nous ressentirons le passage de la peinture classique à l’abstraction, qui est aussi un aller-retour, et plus précisément que Cézanne « unifie » son tableau non seulement par le sujet mais avant tout par le traitement qu’il fait subir à la réalité en la décomposant en formes, en volumes et en couleurs. Aussi vérifierons-nous que certaines touches de couleur qui en apparence n’ont pas de sens en elles-mêmes, et que nous dirons « abstraites » car ne servant pas à reproduire un fragment de réalité, nourrissant la logique de cette démonstration.
 
Meyer Schapiro, l’analyste de Cézanne le plus subtil en même temps que le plus lumineux, décrit ce processus :
« La pomme est tout à fait solide, pesante et ronde, telle que la ressentirait un aveugle ; mais ses caractéristiques se matérialisent par des touches tangibles de couleurs dont chacune, tout en rendant compte d’une sensation visuelle, nous fait prendre conscience qu’il y a eu une décision mentale et une opération de la main. Dans cette démarche complexe, bien trop intellectuelle selon notre pauvre description, semblable à l’effort du philosophe pour comprendre à la fois la part extérieure et la part subjective de notre expérience des choses, le moi est toujours présent, en équilibre entre ressentir et savoir, ou entre percevoir et ordonner pratiquement, maitrisant son monde intérieur tout en maitrisant ce qui est au-delà de lui-même. »
 
Si, lorsque nous regardons ces pommes, ce compotier, ce verre, nous les voyons comme des évidences dont la banalité trouble, c’est que nous discernons qu’au-delà des apparences quelque chose s’est mis en mouvement : des couleurs enlaçant des formes et des volumes non plus seulement pour nous montrer une pomme, mais pour déployer le processus de la création, « en mouvement ». 
 
C’est précisément cela qui nous procure ce sentiment de sensualité, d’une certaine violence même, d’une passion : la passion non plus seulement de représenter mais de montrer et de dire.
 
Une pomme de Cézanne n’est pas qu’une pomme, nous le pressentions, mais pour que nous le ressentions il nous faut tenter d’atteindre une concentration mentale et optique à la mesure de celle du peintre s’employant à déployer les mécanismes de sa méditation sur l’énigme de sa réalité.
 
 
 
Jacques Prévert, « Promenade de Picasso »
 
 
Sur une assiette bien ronde en porcelaine réelle
une pomme pose
Face à face avec elle
un peintre de la réalité
essaie vainement de peindre
la pomme telle qu’elle est
mais
elle ne se laisse pas faire
la pomme
elle a son mot à dire
et plusieurs tours dans son sac de pomme
la pomme
et la voilà qui tourne
dans une assiette réelle
sournoisement sur elle-même
doucement sans bouger
et comme un duc de Guise qui se déguise en bec de gaz
parce qu’on veut malgré lui lui tirer le portrait
la pomme se déguise en beau bruit déguisé
et c’est alors
que le peintre de la réalité
commence à réaliser
que toutes les apparences de la pomme sont contre lui
et
comme le malheureux indigent
comme le pauvre nécessiteux qui se trouve soudain à la merci de n’importe quelle association bienfaisante et charitable et redoutable de bienfaisance de charité et de redoutabilité
le malheureux peintre de la réalité
se trouve soudain alors être la triste proie
d’une innombrable foule d’associations d’idées
Et la pomme en tournant évoque le pommier
le Paradis terrestre et Ève et puis Adam
l’arrosoir l’espalier Parmentier l’escalier
le Canada les Hespérides la Normandie la Reinette et l’Api
le serpent du Jeu de Paume le serment du Jus de Pomme
et le péché originel
et les origines de l’art
et la Suisse avec Guillaume Tell
et même Isaac Newton
plusieurs fois primé à l’Exposition de la Gravitation Universelle
et le peintre étourdi perd de vue son modèle
et s’endort
C’est alors que Picasso
qui passait par là comme il passe partout
chaque jour comme chez lui
voit la pomme et l’assiette et le peintre endormi
Quelle idée de peindre une pomme
dit Picasso
et Picasso mange la pomme
et la pomme lui dit Merci
et Picasso casse l’assiette
et s’en va en souriant
et le peintre arraché à ses songes
comme une dent
se retrouve tout seul devant sa toile inachevée
avec au beau milieu de sa vaisselle brisée
les terrifiants pépins de la réalité.
 
 
Jacques Prévert écrivit en 1949 la Promenade de Picasso, poème qui a sa place dans son recueil Paroles, et qui exprime les sentiments du poète vis-à-vis de l’art.
 
 
Citations de Cézanne
 
« Peindre, ce n’est pas copier l’objet servilement, c’est saisir une harmonie entre de nombreuses relations. »
 
« Il faut traiter la nature par le cylindre, la sphère et le cône. »
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
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